Rien n'est simple

Le surtourisme non plus

Rien n'est simple

Chaque opportunité a été saisie pendant les mois de juillet et d’août pour publier dans les médias traditionnels un article, une chronique ou une tribune sur les conséquences néfastes du « surtourisme ». Ce qui m’a surtout frappé, c’est que ce terme est de plus en plus utilisé comme un concept fourre-tout, englobant tout ce qui peut mal tourner autour du tourisme.

Nous avons été les premiers dans ces colonnes à nommer le phénomène en Benelux, et à indiquer que ce phénomène pourrait rapidement devenir un problème. Mais maintenant, toute la discussion risque de prendre une direction où toute nuance se perd. Cela me rappelle les débats enragés entre pro-vaccins et anti-vaccins.

Il est temps d’apporter des nuances.

Les villes qui reviennent souvent et qui sont systématiquement citées en exemple dans les articles sont Barcelone, Venise et Dubrovnik. Et récemment Gand aussi, mais c’était pour rire.

Selon le classement Top 100 City Destinations WTM, publié par Euromonitor International, Barcelone n’occupe que la 23e place des villes les plus visitées par les touristes. Venise est à la 38e place et Dubrovnik ne figure même pas dans le top 100...

Il existe dans ces villes un sentiment au sein d’une partie de la population, que l’on peut décrire comme une « phobie du tourisme ». D’une part compréhensible, d’autre part dangereux : une telle « phobie du tourisme » peut facilement être récupérée par des groupes aux pensées extrêmes – qui s’opposent souvent à tout.

Exercice de réflexion. Passons aux îles Canaries. Contrairement à des villes comme Venise ou -disons- Bruges, il est plus judicieux de compter les touristes en termes de nuitées plutôt qu’en termes d’arrivées pour de nombreuses destinations.

Le « pourcentage de nuitées » est le résultat de la comparaison entre les nuitées touristiques et le total (y compris celles de la population résidente). Cela signifie, en chiffres simples, que si aux îles Canaries les résidents génèrent 821 millions de nuitées (2,25 millions de résidents pendant 365 jours par an) et que nous enregistrons 127 millions de nuitées touristiques (15 millions de touristes pour un séjour moyen de 8,5 jours), alors le nombre total de nuitées est de 948 millions et le pourcentage de nuitées est de 13,3 %. Hmm.

Une remarque tout de suite ; ces 13 % se concentrent en grande partie sur des endroits spécifiques des îles. Mais ces endroits ont été encouragés par l’économie locale et – bien sûr ! – par le gouvernement, pour accueillir de plus en plus de touristes au fil des décennies.

Évidemment : ce n’est qu’une partie de la discussion sur la « phobie du tourisme ». Mais cela montre que la question est complexe, qu’il y a de la place pour des nuances et que le débat devrait dépasser les slogans et la rhétorique.

Le tourisme cause des nuisances dans certaines parties du monde. Et tous les acteurs concernés doivent trouver des solutions. Mais l’industrie du tourisme ne doit pas se laisser abattre dans des débats surchauffés et empreints de slogans. Car rien n’est simple.

29-08-24 - par Jan Peeters