TUI : Questions & Réponses

À propos de la Belgique, des coûts de distribution et bien plus

TUI : Questions & Réponses

Voici le premier article d’une série de trois, dans laquelle nous approfondissons certains éléments spécifiques de la stratégie mondiale de TUI.

TUI souhaite se transformer en un « Global Curated Marketplace ». Posez la question à 100 professionnels du voyage au Benelux sur la signification de ce terme, et la plupart vous répondront : « Je n’en ai pas vraiment la moindre idée ». En réalité, c’est simple : TUI veut devenir une place de marché mondiale pour l’achat et l’expérience de toutes les formes possibles de loisirs.

C’est un long chemin pour l’ancien « vendeur de forfaits organisés » – disons un tour-opérateur – même si cette catégorie de produits reste essentielle pour TUI et continuera de l’être à l’avenir. Cela exige également une autre organisation mondiale. Le schéma de cette organisation a été défini, et cela entraîne désormais des conséquences dans tous les pays.

Toute la stratégie de TUI a été présentée en détail dans une présentation de pas moins de 124 diapositives lors du Capital Markets Day de TUI, les 24 et 25 mars derniers à Madrid. L’objectif de cette initiative est de convaincre les parties prenantes et surtout les actionnaires et investisseurs que l’entreprise a fait un choix stratégique clair, solide, tourné vers l’avenir et axé sur la croissance.

Sur invitation exclusive, un événement média à Londres a déjà permis de présenter les étapes stratégiques de TUI. Bart Matthijs, rédacteur en chef de Travmagazine, y était présent et a également eu un long entretien individuel avec le CEO Ebel. Un compte-rendu a été publié début avril dans nos canaux imprimés et en ligne. Ceux qui ont lu attentivement l’article de Bart et l’interview comprennent la direction que souhaite prendre l’entreprise.

Pour ma part, j’ai étudié attentivement la présentation du TUI Capital Markets Day. J’en ai sélectionné quelques diapositives contenant des réponses intéressantes à des questions que tout professionnel du secteur du voyage se pose un jour ou l’autre lorsqu’il s’agit de TUI.

Question 1 : Quelle est l’importance des marchés belge et néerlandais pour TUI ?

TUI compte aujourd’hui 18 « source markets » à part entière – ce sont des marchés d’origine où, jusqu’à aujourd’hui, TUI est surtout connu comme un tour-opérateur traditionnel opérant via un modèle omnicanal. Les principales activités (ventes, marketing, opérations aériennes) sont décidées et exécutées par les équipes locales, tandis qu’un mouvement fort d’intégration est en cours, notamment en matière d’achats, d’aérien et d’activités transversales. Il convient d’ailleurs de faire la distinction entre intégration et centralisation. Cette dernière signifie tout regrouper en un seul lieu, tandis que l’intégration consiste à former des équipes possédant le maximum de compétences.

 

La diapositive ci-dessus présente les « source markets » et leur taille en nombre de passagers pour TUI. De manière politiquement incorrecte (clin d'œil !), TUI regroupe le Royaume-Uni et l’Irlande, tout comme l’Allemagne et l’Autriche, mais distingue bien – bien que les deux pays relèvent aujourd’hui d’un même management BeNe – la Belgique et les Pays-Bas.

On constate ainsi que la Belgique est le troisième pays le plus important dans l’écosystème TUI. TUI est également présent dans des pays comme l’Espagne, le Portugal et en Amérique latine, mais ces chiffres sont pour l’instant principalement déterminés par les clients qui participent aux activités de Musement.

Ce qui frappe, c’est la faible empreinte de TUI en France. Pendant de nombreuses années, l’objectif était : « stop the bleeding » – la France, après des années de pertes structurelles, est enfin redevenue rentable en tant que marché d’origine.

En Belgique, comme dans la plupart des autres marchés d’origine, TUI est – comme chacun le sait – à un tournant : une grande réorganisation est en cours pour faire le dernier virage, passant du tour-opérateur classique à la « place de marché de loisirs » mentionnée plus haut. Cela crée des frictions, notamment parce que cette transformation a une dimension émotionnelle pour beaucoup : la fin définitive de l’héritage Jetair suscite une certaine nostalgie ici et là. Mais la nostalgie n’est pas un bon modèle économique, on le sait maintenant.

Question 2 : Quelles sont les principales destinations pour TUI ?

On pourrait penser que la réponse à cette question est « l’Espagne ». L’Espagne figure en effet dans le top trois, avec probablement le cluster de destinations le plus stable au monde : les îles Canaries. La destination la plus importante est la Grèce, avec naturellement un accent sur ses nombreuses îles. Les îles Canaries suivent, avec la Turquie en troisième position.

Fait remarquable : les îles du Cap-Vert occupent la dixième place, mais ce n’est sans doute qu’une question de renforcement de la capacité avant de dépasser l’Italie et Chypre. Ou : comment une destination « créée » – il y a quarante ans, les grandes chaînes hôtelières de loisirs ont commencé à y acheter des terrains – a besoin de temps pour s’ancrer.

L’avantage des îles du Cap-Vert, outre le soleil et tout le reste, c’est un ingrédient économique essentiel pour le tourisme organisé : la stabilité.

Stabilité, familiarité et accessibilité sont très probablement les fondations « intangibles » de ce phénomène touristique remarquable que sont les îles Canaries. Où sont passées les années où les Canaries n’étaient qu’une destination hivernale, et l’été une saison creuse ?

Question 3 : Quels sont les principaux canaux de distribution pour TUI ?

Derrière cette question, de nombreux agents de voyages en posent une autre : quelle est encore notre importance stratégique pour TUI ? La direction de TUI s’empresse systématiquement de répondre positivement. Et ce n’est pas sans raison : la présence de la marque et de l’offre dans l’espace public, ainsi qu’auprès des publics cibles qui font appel à un conseiller en voyages, reste d’une importance stratégique.

Autrement dit : si l’on détache le réseau de la distribution « tierce » (les agences partenaires), on ne perd pas seulement 18 % du volume, on provoque aussi d’autres dommages : des concurrents qui comblent le vide, une marque moins visible et présente dans l’esprit des consommateurs, et surtout : un large éventail de consommateurs de classe moyenne supérieure, difficilement atteignables par d’autres canaux.

La vente directe combinée (en ligne, via les propres agences et franchises, et via le centre d’appels) représente une part solide de 68 % du volume client. Les 7 % de « pax via l’app », provenant des 22 millions d’applications installées mentionnées, regroupent à la fois les clients de Musement qui réservent des activités et les véritables réservations via l’app. La diapositive ne laisse planer aucun doute : elle indique graphiquement que de grandes attentes sont placées dans ce segment.

TUI est bien conscient d’être entré relativement tard dans la course aux apps de manière structurée, et il s’agit donc ici d’un réel mouvement de rattrapage.

Petite référence encore à l’article de Bart dans Travmagazine : lors de la présentation média à Londres, Selectair figurait en bonne place sur la diapositive montrée par le CEO Ebel. Après vérification, il s’est avéré que la collaboration avec Selectair est considérée au sein du groupe TUI comme un exemple de « ce qui est possible et de ce à quoi cela devrait ressembler », avec à la clé une situation gagnant-gagnant.

Dans un prochain article, nous approfondirons le modèle économique de TUI, en d’autres termes : comment l’entreprise passe-t-elle du chiffre d’affaires au bénéfice, et quels sont les principaux postes de coût ? Il y a là quelques chiffres frappants, d’ailleurs. On y parlera aussi des ambitions en matière de marge bénéficiaire. Nous en apprendrons également davantage sur la stratégie européenne concernant les compagnies aériennes et sur la fidélité du client TUI moyen. Passionnant !

06-05-25 - par Jan Peeters