La fin du "meilleur tarif"

L’IA fixe les prix

La fin du "meilleur tarif"

Agitation aux États-Unis. Delta Air Lines teste depuis peu un modèle tarifaire piloté par l’IA via Fetcherr, élue l’an dernier Meilleure Startup Travel Tech. Il ne s’agit pas simplement d’un outil qui ajuste les prix des vols en fonction de la demande, mais d’un algorithme qui apprend, prédit et conseille sur la base de milliers de variables. Ce n’est plus l’humain qui décide de la “valeur” d’un vol. La machine suggère, le revenue manager clique (dans le meilleur des cas) — et le nouveau tarif est en ligne. Selon Delta, il s’agit d’une dynamique guidée par le marché, sans personnalisation. Mais l’affirmer est une chose. Le prouver en est une autre.

Les sénateurs américains se montrent critiques. Ils craignent que l’IA soit bientôt utilisée pour ajuster les prix en fonction de ce qu’un voyageur peut payer, plutôt que sur ce que coûte objectivement un vol. Et cette crainte n’est pas infondée. Car si chaque tarif est adapté à ton profil, à ton comportement, à la marque de ton smartphone ou à ta localisation — alors il n’y a plus de “meilleur tarif”. Il n’y a que ton tarif.

Les prix personnalisés ne relèvent pas de la science-fiction. Ils existent déjà. Les OTA affichent parfois des prix différents sur iPhone et Android. Uber adapte ses tarifs selon ta localisation, la météo, tes habitudes ou même le niveau de ta batterie. Si tu recherches un vol à plusieurs reprises, le prix “augmente soudainement”. Coïncidence ? Peut-être. Piloté par les données ? Absolument.

Ce que teste aujourd’hui Delta, c’est la version scalable de ce principe. Grâce à l’IA, les compagnies aériennes peuvent faire varier en temps réel les prix par segment client, type de comportement ou degré de fidélité. Non pas via des règles claires, mais via des schémas reconnus par les algorithmes. Et on se retrouve alors vite dans la zone grise entre optimisation marketing et exploitation pilotée par les données.

Quand les prix dépendent du profil du client, l’argument de vente classique — nous trouvons pour vous le meilleur tarif — perd de plus en plus sa valeur. Que signifie encore “le meilleur tarif” si tu ne peux jamais savoir si quelqu’un d’autre a obtenu exactement le même billet pour moins cher ?

Aux États-Unis, les entreprises peuvent mettre en place ce genre de systèmes d’IA sans trop d’obstacles juridiques. En Europe, c’est une autre affaire. Le RGPD y protège les consommateurs contre les décisions entièrement automatisées ayant un effet significatif — comme les prix personnalisés. Les entreprises doivent être transparentes sur la façon dont un prix est déterminé, et ne peuvent pas utiliser de données personnelles à des fins de profilage commercial sans consentement explicite.

Si l’IA personnalise bientôt chaque tarif, comparer les prix devient inutile — adieu Trivago — négocier devient vain, et accorder des réductions devient relatif.

Car encore une fois : il n’y a alors plus de “meilleur tarif”.
Seulement un tarif personnel.

Et ainsi, c’est peut-être aussi la fin annoncée du modèle des discounters tant décrié.

04-08-25 - par Pieter Weymans